Article publié sur Le Courrier d’Europe Centrale à l’occasion du 30e anniversaire de la chute du Mur de Berlin.
Les Polonais ont une obsession de leur histoire, aussi bien ancienne que récente. Comme peu d’autres nations, ils se plaisent à la ressasser et à la réécrire, comme si cette permanente révision pouvait fondamentalement améliorer leur condition présente. Une des théories récentes qui circule au sujet de la révolution du syndicat Solidarnosc des années 1980, et que ce fût une révolte essentiellement motivée par la dignité matérielle, plus que par de réelles revendications démocratiques, au sens occidental du terme. Après tout, les revendications des ouvriers étaient, à leur origine, d’ordre purement matériel, avant que des intellectuels comme Adam Michnik, Bronislaw Geremek où Jacek Kuron ne viennent y greffer les idéaux des Lumières.
Cette théorie expliquerait la popularité importante des ultraconservateurs du parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis 2015, en dépit de leur remise en cause des principes de la séparation des pouvoirs et de leurs manœuvres ostensiblement inconstitutionnelles. Grâce à la politique sociale d’ampleur que le parti de Jaroslaw Kaczynski a mise en place « en contrepartie », les portefeuilles des Polonais et les centres commerciaux géants qui parsèment le pays n’ont jamais été aussi remplis, et une majorité de la population semble indifférente aux imbroglios institutionnels autour de l’Etat de droit.